vendredi 30 septembre 2016

Nouvelle "l'hôtel du Phare"

L’Hôtel du phare ne fut pas toujours nommé ainsi. Auparavant, il s’appelait l’Hôtel du bord de quai. Un nom un peu long, me direz-vous, et pourtant, ce n’est pas pour cette raison que l’hôtel changea de nom. Mais c’eût été préférable…
           
            A l’époque où l’hôtel portait encore son premier titre, arrivèrent un jour de beau temps un père et son fils, âgé de huit ou neuf ans. Ils venaient passer deux semaines de vacances dans l’établissement. Il était indéniable que ces deux-là s’adoraient. Il suffisait à l’un de regarder l’autre pour qu’ils se comprennent mutuellement. Et pour cause, l’enfant était sourd et muet. Le père et son fils allaient tous les jours se promener sur le quai, admirer les petites embarcations ancrées au port. En ce temps, le phare n’existait pas ; à la place, se trouvait une petite marchande de souvenirs ambulante.
Le deux compères y avaient acheté une étoile de mer et une épuisette. « Pour quoi faire ? » avait questionné le père, en langage des signes, à quoi le fils avait répondu, de la même façon : « Pour pêcher les poissons ! ». Face à cette réponse hautement logique, le père s’était incliné et s’était abstenu de répliquer que dans la ville où ils habitaient, les seuls poissons qu’on voyait se trouvaient sur l’étalage du poissonnier du marché. L'homme et le fils aimaient arpenter les ruelles enchevêtrées du petit village, vestige d’un temps ancien où même les habitants semblaient surgis du siècle passé. Un soir, ce devait être au début de la deuxième semaine, le garçonnet se faufila hors de la chambre qu’il partageait avec son père et s’engouffra dans la fraîcheur de la nuit noire, où seule une faible lumière parvenait à percer les ténèbres qui enveloppaient le hameau. Le garçonnet s’approcha jusqu’au bord du quai et se mit à scruter à travers la brume épaisse. La lumière qui l’intriguait tant s’approchait de plus en plus, et le petit garçon put enfin découvrir le magnifique voilier qui projetait cette lumière. « L’intrigant », c’était son nom, commença à virer à gauche pour aller s’amarrer au port. Fou de joie, le garçon se décida à le suivre. Pourquoi ? Cette question, tout le monde se la posa plus tard. Sans jamais parvenir à y répondre. Mais ce que tout le monde sut, du moins, c’est ce qu’affirma la police, c’est que le petit garçon glissa et tomba dans l’eau. Aucun cri ne vint alarmer les habitants de la terrible tragédie qui se déroulait à ce moment, car, dans sa malheureuse chute, la tête du garçon heurta la pierre dure du quai. Le petit garçon se noya ainsi, sans que personne ne s’en aperçoive. Certains, plongés dans des rêves bleus, d’autres, en plein cauchemar ; mais pour tous, sans se douter que l’horreur se tenait là, à quelques mètres d’eux. Il fallut deux jours pour retrouver le pauvre enfant. Deux interminables jours d’angoisse pour le père qui espérait encore, encore, encore… Il repartit le troisième jour, en emportant la dépouille de son enfant. Sans un mot. Et c’est un village en pleurs qui vit partir un père en deuil. En mémoire à cet enfant qui n’avait rien demandé, sauf, peut-être, d’être heureux, les villageois décidèrent d’ériger un petit phare au bout du quai, à l’endroit même où le drame avait eu lieu. Pour que cela ne se reproduise plus jamais…

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