dimanche 25 septembre 2016

La reconversion professionnelle, parcours du combattant

La formation professionnelle tout au long de sa vie est un droit ouvert à tous, salariés, artisans, commerçants. L'article L.6111-1 du Code du travail, qui régit les règles applicables aux salariés, en pose le principe : "La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle (...)". Voilà pour le principe. Mais la réalité ??? La réalité, c'est que c'est le vrai parcours du combattant pour les salariés quand ils veulent changer de voie. En fait, c'est aussi dur que de chercher un emploi, sauf qu'on a déjà un emploi. On nous parle d'apprentissage, de contrat de professionnalisation, de FONGECIF. Sur le papier, il existe une multitude de façons de se reconvertir, et tout autant d'organismes qui proposent une multitude de formations (au risque de se sentir noyé sous la masse). Mais quand on se lance dans la grande aventure de la reconversion professionnelle, on se heurte à des murs en béton armé. Il y a quelques années, j'étais effarée quand je lisais ces articles sur les pays asiatiques dans lesquels le destin professionnel des gens était déterminé dès l'école élémentaire. Aujourd'hui, je me rends compte que c'est la même chose en France. Trompez-vous d'études, et vous êtes foutu. Passage en revue des écueils à la reconversion professionnelle.


1. Les entreprises ne jouent pas le jeu
Avec ma licence de droit, j'ai pas mal galéré pour trouver un emploi dans le domaine juridique. J'ai eu la chance que l'occasion se présente, et je l'ai saisie. Autour de moi, bon nombre de personnes exercent un métier sans rapport avec l'intitulé de leur diplôme, et bien souvent, sous-qualifié. Forcément, quand une boîte veut un salarié jeune (car malléable), avec un super diplôme et 5 ans d'expérience, elle trouve peu d'élus. Du coup, on se retrouve à postuler à des emplois inférieurs à son niveau (et encore, les entreprises arrivent à nous trouver des excuses pour ne pas nous embaucher, et on ne parle même pas de la rémunération !). Alors, oui, bien souvent, notre premier vrai emploi n'a rien à voir avec notre diplôme, et donc, a priori, avec nos envies professionnelles. Il ne reste donc qu'une possibilité pour ceux qui s'accrochent à leurs rêves : changer de voie professionnelle, souvent au bout de quelques années de travail (le temps d'en être dégoûté, et de rassembler son courage pour se bouger). Sauf que :

a) le FONGECIF, c'est bien, c'est beau, c'est un droit. Mais l'employeur peut nous le refuser une fois. Et on ne peut pas redemander un autre congé FONGECIF avant un certain temps, calculé selon la durée de la formation refusée, lequel peut durer 6 ans ! Et dans certains domaines d'activité (cabinets comptables, ...), demander un FONGECIF à son employeur est tout simplement inenvisageable, malheureusement.

b) le CPF (Compte Personnel de Formation) est un compte ouvert au bénéfice de chaque salarié, lequel cumule des heures (dédiées à une éventuelle formation) au fur et à mesure qu'il cumule des heures de travail. Il faut distinguer le CIF (Congé Individuel de Formation) du DIF (Droit Individuel à la Formation). De très nombreuses formations, dans tous domaines, sont éligibles au CIF et au DIF. Le problème c'est que la reconversion professionnelle suppose très généralement une formation diplômante, qui dure un certain temps, or, à moins d'avoir bossé pendant 30 ans, notre quota d'heures cumulées ne couvre pas toute la durée de la formation. On fait comment pour financer le restant, quand notre salaire passe aux 3/4 en factures ?

c) les contrats de professionnalisation sont ouverts, en résumé, aux personnes de moins de 26 ans, pour compléter leur formation initiales (super quand on sait que maintenant les jeunes finissent leurs études aux alentours de 25 ans, autant dire qu'on ne peut pas tabler sur ce critère quand on veut signer un contrat de pro) et aux demandeurs d'emploi. Ok, super. Et quand on est salarié et qu'on ne peut pas demander un FONGECIF, on fait comment ? 

Concrètement, je rêve de travailler dans le domaine de la qualité. J'ai découvert ce métier après avoir fini mes études, lors de mon premier emploi (un poste d'employée administrative). Il était trop tard pour reprendre mes études, je n'en avais aucune envie, et les soucis financiers inhérents aux études étaient trop dissuasifs. J'étais jusqu'il y a deux semaines assistante juridique (ce, pendant 5 ans). Très sincèrement, je ne pense pas que ces deux domaines (droit et qualité) soient très différents, et je pense au contraire que mon expérience juridique auraient été un atout. Pourtant, sur les 40 CV que j'ai envoyés, sur une période de 2 mois (avril-mai), je n'ai eu AUCUN entretien. Uniquement des réponses négatives, et une entreprise qui m'a expliqué qu'elle avait préféré choisir une licence professionnelle (possible par FONGECIF quand on est salarié). Vous voulez la vérité ? En contrat de pro, j'aurais coûté trop cher. Eh oui, j'aurais coûté un SMIC à l'entreprise, alors que la licence pro ne lui aurait rien coûté puisque la formation était prise en charge par le FONGECIF. Bref, les entreprises ne jouent pas le jeu. Ce n'est pas nouveau. Ce phénomène existe depuis la fin des 30 Glorieuses. Et franchement, cette hypocrisie des entreprises et des différents gouvernements successifs m'agace prodigieusement. Mettre à disposition des citoyens des outils en sachant pertinemment qu'ils ne pourront peu ou prou en disposer, ça me met hors de moi.


2. Les coupes budgétaires dans les organismes de formation
Certaines formations demandent des pré-requis. En soi, je n'ai rien contre. Il faut avoir des bases pour poursuivre une formation dans les meilleures conditions. Un boulanger ne peut pas devenir assistant RH sans un minimum de connaissances juridiques. Il lui faudra donc commencer par le commencement. Ce qui a de quoi démotiver, à l'idée de l'investissement personnel à fournir (surtout s'il y a énormément de cours théoriques, ou qu'on sait que la formation ne pourra pas être prise en charge en intégralité). Là où je m'insurge, c'est quand on demande des pré-requis parce que la formation en question a été raccourcie pour raisons budgétaires. Je l'ai personnellement vécu. A la fin de mes études, j'avais besoin d'un support technique pour valoriser ma licence, j'ai donc fait une formation avec un organisme de formation, financée par Pôle Emploi (oui, après la fac, la porte suivante, c'est souvent Pôle Emploi) pour devenir assistante de direction (équivalent bac+2). Problème : l'Etat venait de supprimer 1/4 des heures de la formation, celles qui étaient dédiées à l'informatique. Ayant échoué aux tests d'informatique, on m'a alors proposé de suivre une formation pour devenir secrétaire (c'est-à-dire l'échelon en-dessous). Autrement dit, les seuls à pouvoir faire cette formation d'assistante de direction étaient ceux qui avaient déjà un bac pro secrétariat. Mais sérieusement, qu'est-ce qu'ils ne comprennent pas dans "reconversion professionnelle" ??? Ce n'est pas "poursuite professionnelle", bon sang ! Autant reconnaître que les dés sont déjà pipés, si certaines formations ne sont ouvertes qu'à ceux qui déjà ont le "pré-diplôme".

Bref, voilà tout. Si vous aussi, vous trimez à changer de voie, venez partager votre expérience. Mais plus important encore, accrochez-vous à vos envies et battez-vous. Un jour ou l'autre, vous trouverez forcément la formation qui vous ira, à la manière d'un soulier de verre.

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